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L’amiante environnemental, quels risques ?

L'amiante naturel, quels risques ?

Le repérage avant travaux de l’amiante environnemental

Tudsols logo amiante

La présence d’amiante environnemental dans certains sols ou certaines roches entraine un risque pour la santé des personnels de chantier liés aux activités de terrassements et de forage. Le repérage avant-travaux de l’amiante naturel représente un enjeu de santé publique et de santé au travail, ainsi qu’un enjeu économique et un défi technologique. La méthodologie de repérage, détaillée dans la norme NF P 94-001 de novembre 2021, vise à informer le donneur d’ordre en charge de l’analyse de l’impact de la présence d’amiante sur la gestion de travaux futurs, et à adopter les mesures de protection des travailleurs. Un arrêté d’application de la norme doit voir le jour courant 2024.

Qu’est-ce que l’amiante environnemental ?

L’amiante (anciennement asbeste) est un terme utilisé à des fins industrielles voire commerciales pour décrire des minéraux présentant une texture fibreuse. Cette substance minérale englobe six catégories d’amiante, présentant des propriétés physiques et chimiques exceptionnelles (incombustible, ininflammable, isolant, léger, hydrique,…).

En France, la présence d’amiante dans l’environnement naturel concerne principalement les domaines orogéniques anciens et actuels (Haute-Corse, Alpes, Massif Central, Massif Armoricain, Pyrénées). Les gisements d’amiante (fibrogénèse) se forment plus spécifiquement dans des contextes tectoniques cassants tels que les failles ou les cisaillements, avec la formation des faciès asbestiformes résultant du métamorphisme (roches ultrabasiques serpentinisées et schistes verts). Les péridotites (roches ultrabasiques du manteau supérieur) constituent la majeure partie des gisements d’amiante, notamment dans les Alpes, en Corse et en Nouvelle-Calédonie.

Le chrysotile, forme minérale la plus courante et historiquement exploitée, appartient à la famille des serpentines, dérivées des minéraux primaires des péridotites métamorphisées. Les amphiboles fibreuses les plus répandues sont l’actinolite-amiante, l’amosite, l’antophyllite, la crocidolite et la trémolite-amiante.

Quel sont les risques liés à l’amiante environnemental ?

Le risque d’exposition à l’amiante est lié à la libération de fibres dans l’air par action mécanique lors de processus naturels (érosion) ou de travaux d’aménagement et de construction (terrassement, forage, minage). Les risques étant liés à l’inhalation des fibres d’amiante, tous les intervenants (conducteurs d’engins, foreurs) sur un terrain amiantifère sont exposés, y compris les populations environnantes du site concerné.

Toutes les variétés d’amiante sont classées comme agent chimique cancérogènes et ne possèdent pas de seuil de concentration en dessous duquel elles ne présentent aucun danger. Les fibres microscopiques d’amiante inhalées pénètrent profondément au sein du système pulmonaire et interagissent avec ses cellules entrainant le développement de maladies graves comme la fibrose (asbestose) ou des cancers broncho-pulmonaires et de la plèvre (mésothéliome). Les effets peuvent se manifester plusieurs années après le début de l’exposition.

Que dit la réglementation et qui est concerné ?

La réglementation en France vise à assurer la protection des travailleurs, des populations et de l’environnement contre les risques associés à l’amiante. Selon le code de la santé publique aucune disposition particulière concernant l’amiante environnemental n’est établie mais il stipule au sens large de s’assurer que la concentration en fibres dans l’air soit inférieure à 5 fibres/litre.

Outre l’obligation de sécurité et de santé qui incombe de manière générale à un employeur (e.g. entreprises de forage) selon le code du travail, il appartient au donneur d’ordre, maître d’ouvrage ou propriétaire d’immeubles par nature ou par destination, d’établir ou non la présence d’amiante environnemental dans le périmètre des travaux qu’il envisage. Ainsi, toutes entreprises de travaux, particuliers, collectivités, ou leurs représentants, doivent pouvoir justifier d’un RAT avant le commencement des travaux sur un terrain.

Tudsols amiante environnemental

Affleurement de serpentinites (Haute-Corse) avec des filonnets de chrysotile (minéral toujours amiantifère) et des amas de fibres de trémolite-amiante (« terre blanche »). Source : Brice Sevin

Tudsols susceptibilité amiantifère

Carte des niveaux de susceptibilité de présence d’amiante à l’échelle 1/1 000 000. Source : BRGM

Tudsols fibre amiante

Image d’une fibre de chrysotile, d’une fibre de céramique et d’un cheveu au Microscope Électronique à Balayage (MEB). Source : ITGA

Quelles sont les limites du repérage avant-travaux ?

Le RAT s’applique aux terrains n’ayant subi aucune action anthropique et est fondé sur la recherche d’objets géologiques susceptibles de contenir de l’amiante environnemental. Sont exclus de l’application de la norme les matériaux de dragage de fleuves, rivières et en mer, les sols remaniés et remblais, et les renouvellements (sans extension) d’arrêté d’autorisation d’exploitation pour les carrières ainsi que leur exploitation courante. Par ailleurs, compte-tenu des contextes gîtologiques de l’amiante, les terrains situés dans certains bassins sédimentaires (e.g. Bassin Parisien) sont dispensés de repérage, sauf exceptions liées aux dépôts sédimentaires de type alluvions, colluvions ou dépôts glaciaires susceptibles de contenir des éléments dont la source est identifiée comme amiantifère.

 Qui peut réaliser un repérage avant-travaux ?

L’identification des objets géologiques contenant de l’amiante environnemental requiert de solides connaissances des roches et des sols, et des processus de fibrogénèse. L’opérateur, qui est certifié « géologue opérateur de repérage », justifie de compétences spécifiques (géologie, minéralogie, pétrographie, processus hydrothermaux) et de l’expérience de terrain (cartographie). De plus, le code du travail impose au géologue opérateur une formation à la prévention des risques liés à l’amiante (formation « sous-section 4 » dite SS4) et fixe les modalités de respect des modes opératoires mis en œuvre pour sa mission (notice de poste, valeur limite d’exposition professionnelle, équipements, gestion des déchets,…). L’opérateur doit également posséder une assurance spécifique à ce type d’activité.

Tudsols amiante environnemental RAT

Enchaînement des missions de repérage de l’amiante environnemental
au sens de la norme NF P 94-001. Source : Sébastien Leibrandt

Tudsols travaux en terrain amiantifère

Exemple d’équipements lors de travaux en terrain amiantifère. Source : INRS

Comment se déroule un repérage ?

Par analogie aux missions géotechniques définies par la norme NF P 94-500 de novembre 2013, les missions de repérages respectent un principe de progressivité A0, A1, A2, auxquelles s’ajoutent des missions de suivi à l’avancement des travaux (A3 et A4).

La mission A0 a pour objectif de vérifier la présence ou l’absence de roches susceptibles de contenir de l’amiante environnemental dans la zone des futurs travaux à partir de l’analyse de documents (cartes géologiques, rapports d’étude), d’une synthèse de l’histoire géologique régionale et locale, et d’une coupe géologique, de façon à déterminer la lithologie des terrains et leur susceptibilité amiantifère au sens de la norme. La mission A0 doit conclure à l’absence, à la présence ou à la suspicion de présence d’objets géologiques contenant de l’amiante. Dans ce dernier cas, l’opérateur informe le donneur d’ordre qui doit le mandater pour la réalisation d’une mission A1.

La mission A1 a pour but de rechercher et d’identifier, au cours d’une campagne de terrain, les objets géologiques qui constituent la zone de repérage afin de déterminer leur structure et agencement dans le périmètre des futurs travaux. L’opérateur identifie les objets susceptibles de contenir de l’amiante (minéraux précurseurs, etc.) et détermine leurs caractéristiques (dimension, orientation, etc.). Le repérage nécessite à ce stade une inspection visuelle à l’affleurement (accompagné si besoin de sondages, prélèvements, lames minces, etc.), et une investigation approfondie in situ et/ou en laboratoire. Si la mission A1 n’a pas pu conclure à l’absence d’amiante environnemental, il convient de lever le doute lors d’une mission A2.

La mission A2 a pour but de déterminer, pour chaque objet géologique susceptible de contenir de l’amiante, ses caractéristiques géologiques et minéralogiques précises, et de conclure sur la présence ou non d’amiante, ou d’améliorer les observations réalisées en mission A1. Le repérage des objets géologiques nécessite un maillage d’investigation plus resserré et des analyses en laboratoire accrédité (COFRAC) pour la recherche d’amiante environnemental.

Il peut exister un doute résiduel lorsque les éléments décrits ne permettent pas de lever le doute sur la présence d’amiante dans un faciès susceptible d’en contenir mais dont les dimensions ne sont pas compatibles avec une mise en évidence par sondages ponctuels. L’objet géologique concerné doit être clairement défini afin que l’opérateur préconise des investigations complémentaires à l’avancement des travaux (missions A3 et A4).

Quelles implications pour la géotechnique ?

Tous les projets de terrassement et construction sur un terrain débutent par la réalisation d’une reconnaissance des sols : les personnels de terrain réalisant les investigations géotechniques sont la plupart du temps primo intervenants. A la commande d’une étude de sol préalable de type G1 ou de conception G2, le donneur d’ordre doit fournir au bureau géotechnique un RAT du périmètre de la zone de travaux avant la réalisation des sondages et essais. Le bureau géotechnique doit être devoir de conseil auprès du donneur d’ordre.

Dans le cas de présence avérée d’amiante environnemental dans la zone de travaux, l’entreprise de travaux a la charge d’évaluer le niveau d’empoussièrement sur son chantier (si l’empoussièrement est faible, le chantier peut continuer en adaptant les EPI). Il appartient à l’entreprise de travaux d’analyser les risques, de planifier les moyens humains et matériel, les modes opératoires en SS4, les moyens de décontamination, la gestion des déchets, le plan de retrait ou d’encapsulage des zones amiantées,… (cf. guide INRS des travaux en terrain amiantifère, ED 6142). Le coût des travaux et les délais peuvent être alors fortement rallongés. Néanmoins, rien n’empêche la construction en terrain amiantifère à condition de respecter la réglementation concernant la protection des travailleurs et des avoisinants.

Conclusion

Le repérage avant-travaux de l’amiante environnemental représente un enjeu majeur pour la protection des personnels de chantier, spécifiquement en géotechnique, comme primo intervenant sur le terrain. L’enjeu sanitaire important de l’exposition des travailleurs à l’amiante naturel oblige les donneurs d’ordres à faire appel à des géologues avec un haut niveau d’expertise pour l’identification des objets géologiques contenant de l’amiante naturel. Au niveau local, les bureaux d’études géotechniques constituent par ailleurs des relais privilégiés pour l’information auprès des maîtres d’ouvrages, maîtres d’œuvre et des collectivités sur cette problématique de l’amiante environnemental.

Article paru dans le magazine Solscope n°25 (avril 2024), à retrouver p. 70-72

Co-auteurs :

Sébastien Leibrandt, géologue (Dr.), directeur technique de Tudsols
Brice Sevin, géologue (Dr.), directeur technique et co-fondateur de Bureau GDA

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